DOSSIER SPÉCIAL

Comprendre la procrastination et ses conséquences

Pourquoi procrastine-t-on ?

La procrastination, c’est l'art de repousser sans cesse des tâches qu’on prévoit de faire. On le sait tous et on est même devenu très fort à ce petit jeu ! 💪

Ce qu’on sait beaucoup moins, c’est que la recherche en économie comportementale a mis en évidence un phénomène appelé "incohérence temporelle" qui permet d'expliquer pourquoi on procrastine malgré nos bonnes intentions affichées.

En résumé, notre cerveau valorise bien plus les récompenses immédiates (et concrètes) que les récompenses futures (et hypothétiques), même si les premières sont moindres.

Pas très clair ? Très bien, prenons un exemple !

Si vous décidez aujourd'hui de prendre des cours de piano, vous pourrez seulement profiter des conséquences positives de ce choix, c’est-à-dire savoir jouer du piano, dans le futur.

En revanche, la concrétisation de cet objectif, et donc ses conséquences positives, dépendent exclusivement de vos actions présentes (aller prendre ce cours à 11h00 ce matin, pratiquer jour après jour, etc.).

Et c'est là que l'incohérence temporelle se manifeste !

Quand vient le moment de faire un choix entre ce fameux cours de piano, se détendre ou aller au restaurant, votre cerveau aura tendance à favoriser ce qui apporte une gratification immédiate, même si vous savez très bien que ça ne sert pas du tout votre objectif à long terme…

Dit autrement, votre cerveau se préoccupe avant tout du moment présent et de l'impact imminent sur votre personne, et moins de “vagues” conséquences et récompenses futures.

C’est redoutable.

En plus de ça, d’autres facteurs peuvent parfois s’ajouter comme la peur de l’échec, la peur du jugement des autres, le manque de confiance en soi ou le manque de motivation (ce sont tous des sujets qui mériteraient une édition dédiée).

La particularité des retraités

Si tout le monde est concerné par la procrastination, je pense que les retraités sont peut-être un peu plus exposés que la moyenne. Et pour une raison plutôt contre-intuitive !

Lorsque la fin de carrière arrive, vos journées sont soudainement libérées de toute contrainte et vous récupérez des dizaines d'heures de temps libre.

Vous n'avez plus d'impératifs professionnels à respecter. Vous n'avez plus de comptes à rendre à votre patron ou à vos salariés si vous étiez chef d'entreprise. Vous n'avez plus vraiment de contraintes temporelles (période de vacances, administratif, courses, etc.).

Libre de faire ce que vous voulez quand vous le voulez. Libre de souffler un peu. Libre d'improviser totalement.

Le problème, c’est que lorsque vous improvisez, vous faites les choses uniquement si vous avez envie de les faire, si vous vous "sentez" d'attaque pour les faire.

Bravo ! À cet instant précis, vous tombez dans le piège de la procrastination. Si vous procédez ainsi, vous facilitez l’ancrage de cette terrible habitude dans votre cerveau.

C’est donc en raison de cette grande liberté nouvellement retrouvée que je pense que les retraités sont un peu plus à risque que la moyenne lorsqu'il s'agit de procrastiner.

Qu'en pensez-vous ? Est-ce que vous vous reconnaissez ?

Les conséquences sur votre bien-être

La procrastination est un cercle vicieux qui a des conséquences bien concrètes sur votre bien-être.

Lorsque vous constatez que vous n'avez pas effectué les tâches que vous aviez prévues, vous ressentez peut-être de la culpabilité ou une grande frustration. Vous êtes en colère contre vous-même et avez honte de ne pas tenir vos propres engagements.

Toutes ces émotions négatives ont un impact non négligeable sur vous !

Une étude publiée début 2023 (en anglais) s'est efforcée d'évaluer le lien entre procrastination et état de santé chez des étudiants suédois. Ça reste pertinent dans notre cas parce que les étudiants ont, tout comme les retraités, une grande liberté dans la gestion de leur emploi du temps. Ils doivent donc eux aussi se réguler et s'organiser correctement.

L'étude indique que la procrastination est plutôt associée à :

• Une santé mentale plus mauvaise (symptômes de dépression, d'anxiété et de stress plus importants)

• Des risques psychosociaux plus marqués (solitude et difficultés économiques)

• Un mode de vie malsain (mauvaise qualité de sommeil et inactivité physique)

L'idée n'est pas de vous faire peur mais de vous sensibiliser ! Maintenant que vous savez ce que le mode "faire ce que je veux, quand je le veux" peut impliquer, comment pouvez-vous agir ?

Arrêter de procrastiner dès aujourd’hui

Le mécanisme de passage à l’action

Imaginons que vous deviez acheter un cadeau d'anniversaire pour votre petite-fille. Vous connaissez très bien sa date de naissance et vous reportez jour après jour le moment où vous irez acheter ce fameux cadeau.

À mesure que la date approche, vous ressentez un peu d'anxiété mais sans plus. Puis, le jour de son anniversaire arrive soudainement !

À ce moment précis, les futures conséquences liées à votre inaction se transforment en conséquences immédiates et concrètes (tristesse de votre petite-fille, jugement de votre entourage, etc.).

Résultat : vous passez à l'action en allant très vite acheter un cadeau pour votre petite-fille ! 😍

Ce qu’il faut retenir, c’est que lorsque les conséquences de l’inaction sont imminentes et importantes, on se retrouve dans une situation inconfortable qui pousse à l’action. C'est une sorte de point de bascule à partir duquel on renonce à la passivité.

Vous voyez l'idée ?

3 stratégies pour reprendre le contrôle de votre temps

Stratégie n°1 : rendre les conséquences de l’inaction plus immédiates

L'objectif ? Convaincre votre cerveau que vous devez absolument agir dès maintenant et non plus tard.

Pour y arriver, engagez-vous à faire quelque chose publiquement ou en privé (amis, famille, etc.). Pourquoi ? Parce que lorsque votre parole ou réputation est en jeu, vous avez beaucoup plus à perdre si vous ne passez pas à l'action ! Et j’imagine que vous ne voudrez pas décevoir non plus.

C'est la stratégie que j'ai moi-même utilisée pour me pousser à lancer Lucette plus rapidement.

Lundi dernier, j'ai envoyé un e-mail à l'ensemble de la communauté (plus de 800 personnes à ce moment là) en indiquant que le lancement officiel se ferait aujourd'hui ! À partir de cet instant, je ne pouvais plus reculer.

Je peux vous confirmer que ça a été très efficace puisque j'ai utilisé chaque moment libre de ma semaine pour vous préparer cette édition. Il n'était pas envisageable de ne pas tenir mon engagement !

Stratégie n°2 : rendre les récompenses futures plus immédiates

L'objectif ? Limiter le phénomène d'incohérence temporelle et pousser votre cerveau à préférer des actions qui servent vos projets futurs (car les récompenses, elles, sont immédiates).

Pour y arriver, assurez-vous de conditionner chaque tentation à la réalisation d’un impératif. C’est un peu la méthode de l'âne et la carotte, sauf qu’à la fin, vous pourrez manger cette carotte, vous ! 🥕

Plus concrètement, vous vous imposez de ne pas faire ce que vous voulez faire (aller au restaurant, par exemple) tant que vous n'avez pas fait ce que vous devez faire (vous rendre à votre cours de piano, par exemple).

C'est une sorte de pacte avec vous-même qui vous récompense si vous le respectez !

Stratégie n°3 : décomposer les grandes tâches en plus petites étapes

L'objectif ? Réduire l'effort nécessaire pour commencer une tâche et faciliter au maximum le passage à l'action.

Cette stratégie part du principe qu’il est généralement moins pénible de continuer de faire quelque chose qu'on a déjà commencé que de commencer à faire cette même chose. Donc on fait tout pour faciliter le début de l’action.

Pour y arriver, prenez le temps de découper un projet ou une tâche en étapes intermédiaire plus petites avant de passer à l’action.

Ça vous permet de savoir à l'avance ce que vous devez faire exactement. Tout est plus clair ! Car si le projet est trop gros lorsqu'on passe à l'action, on ne sait pas toujours par où commencer et on peut vite s'éparpiller et se décourager.

Reprenons l'exemple de l’organisation du voyage en Italie.

Si vous ne listez pas ce que vous avez à faire, le risque de procrastination est élevé puisque vous ne savez pas forcément par où commencer.

En revanche, si vous prenez le temps de décomposer ce projet en tâches plus petites, vous pouvez obtenir quelque chose comme ça :

C'est tout de suite beaucoup plus simple d'avancer, n'est-ce pas ?

Pour aller plus loin !

Attention, si les conseils que je vous ai partagé sont plutôt simples à comprendre, ils sont moins faciles à mettre en œuvre.

Le mot d’ordre : procrastiner moins pour se sentir mieux !

Je vous encourage à persévérer et ne pas abandonner si vous ne constatez pas de résultats immédiatement. D’ailleurs, quels seront vos engagements pour les deux prochaines semaines ? Répondez-moi dès maintenant, ne remettez pas ça à plus tard !

Si ce sujet vous a intéressé, voici quelques références pour continuer vos recherches :

• Le livre (best-seller) Un rien peut tout changer : de minuscules changements vont transformer votre vie de James Clear, spécialiste mondialement reconnu des habitudes, de la prise de décision et de l’amélioration continue.

• Le concept d’acrasie : pour les philosophes anciens comme Aristote ou Platon, la procrastination est le signe d’une faiblesse de la volonté empêchant d'agir conformément à son meilleur jugement.

• Vidéo YouTube : L'acrasie aura-t-elle votre peau ?